Tribunal administratif de Marseille, 10e ch magistrat statuant seul, 22 avril 2024, n° 2300722 | Doctrine (2024)

Vu la procédure suivante:

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23janvier2023, le 31juillet2023et le 27octobre2023, M.C B, représenté par MeCherigui, demande au tribunal:

1°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui attribuer un logement répondant à ses besoins et à ses capacités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500euros à verser à son conseil sur le fondement de l’article L.761-1du code de justice administrative et de l’article 37de la loi du 10juillet1991.

Il soutient que:

— sa situation n’a pas évolué depuis la décision de la commission de médiation des Bouches-du-Rhône ;

— son logement est suroccupé et il ne dispose pas de ressources suffisantes pour se loger dans le parc privé ;

— il occupe effectivement son logement avec les sept membres de sa famille ;

— l’un de ses enfants est en situation de handicap ;

— l’un de ses fils était mineur lors de sa demande de logement social en 2021et il vit en outre avec son petit-fils mineur ;

— il a transmis toutes les pièces nécessaires dans le cadre de l’unique proposition de logement du 25juillet2023qui lui a été faite.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20juillet2023et le 13octobre2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête en faisant valoir que l’urgence a disparu et que M.B a refusé une offre de logement sans justifier d’un motif impérieux.

Par une décision du 9janvier2023, M.B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code général des impôts ;

— la loi n°91-647du 10juillet1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique:

— le rapport de M.Pecchioli, président rapporteur,

— les observations de MeCherigui pour M.B,

— les observations de MmeD pour le préfet des Bouches-du-Rhône.

Vu la note en délibéré constituée de pièces, enregistrée le 26mars2024

Considérant ce qui suit:

1. La commission de médiation des Bouches-du-Rhône a déclaré, le 14avril2022, M.B prioritaire et devant être logé d’urgence. Les références de l’intéressé ont donc été transmises au préfet des Bouches-du-Rhône afin qu’il désigne un bailleur devant lui proposer une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités avant le 14octobre2022. Estimant n’avoir pas reçu de proposition adaptée dans le délai visé par l’article R.441-16-1du code de la construction et de l’habitation, M.B demande au tribunal d’ordonner au préfet de lui attribuer un logement correspondant à ses besoins et capacités. La décision de la commission de médiation avait retenu comme motif la suroccupation du logement avec une personne handicapée à charge. Le préfet fait valoir que l’urgence à reloger M.B a disparu puisqu’il n’y aurait plus, selon lui, que quatre personnes à reloger. M.B rétorque qu’il occupe effectivement le logement avec sept autres membres de sa famille.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées sur le fondement du I de l’article L.441-2-3-1du code de la construction et de l’habitation:

2. Aux termes de l’article L.441-2-3-1du code de la construction et de l’habitation: « I.- Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d’urgence et qui n’a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. () / () Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne, lorsqu’il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d’urgence et que n’a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l’État et peut assortir son injonction d’une astreinte. () ».

3. Aux termes du II de l’article L.441-2-3du code de la construction et de l’habitation: « II.- La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L.441-1-4 () Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, s’il a au moins un enfant mineur, s’il présente un handicap au sens de l’article L.114du code de l’action sociale et des familles ou s’il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap () ». Aux termes de l’article R.441-14-1du même code: « La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l’article L.441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à attribuer au demandeur un logement () ». Aux termes de l’article R.441-16-2de ce code: « La commission de médiation, lorsqu’elle détermine en application du II de l’article L.441-2-3les caractéristiques du logement devant être attribué en urgence à toute personne reconnue prioritaire, puis le préfet, lorsqu’il définit le périmètre au sein duquel ce logement doit être situé et fixe le délai dans lequel le bailleur auquel le demandeur a été désigné est tenu de le loger dans un logement tenant compte de ses besoins et capacités, apprécient ces derniers en fonction de la taille et de la composition du foyer au sens de l’article L.442-12 ». L’article L.442-12de ce code dispose que: " Sont considérées comme personnes vivant au foyer au titre des articles L.441-1, et L.441-4 ; ' le ou les titulaires du bail ; ' les personnes figurant sur les avis d’imposition du ou des titulaires du bail ; () ' les personnes réputées à charge au sens des articles 194, 196, 196A bis et 196B du code général des impôts ; () « . Enfin, l’article 196du code général des impôts prévoit que: » Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n’avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l’imposition de ce dernier: 1° Ses enfants âgés de moins de 18ans ou infirmes ; 2° Sous les mêmes conditions, les enfants qu’il a recueillis à son propre foyer ".

4. Aux termes de l’article R.441-14-1du même code: « () Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L.441-2-3les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social qui se trouvent dans l’une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes: () -être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l’article 2du décret du 30janvier2002ou auquel font défaut au moins deux des éléments d’équipement et de confort mentionnés à l’article 3du même décret, soit d’une surface habitable inférieure aux surfaces mentionnées à l’article R.822-25 ». Aux termes de l’article R.822-25du code de la construction et de l’habitation: « Le logement au titre duquel le droit à l’aide personnelle au logement est ouvert doit présenter une surface habitable globale au moins égale à neuf mètres carrés pour une personne seule, seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neuf mètres carrés par personne en plus, dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus ».

5. Il résulte de ces dispositions qu’eu égard à la nature de son office, il n’appartient pas au juge saisi en vertu des dispositions de l’article L.441-2-3-1du code de la construction et de l’habitation d’apprécier la légalité des décisions des commissions départementales de médiation, tant à la demande de l’administration qu’à celle du demandeur de logement. Il doit, en revanche, s’assurer avant d’ordonner le logement ou le relogement de l’intéressé, dans le cas d’une décision de la commission de médiation reconnaissant un droit à un logement, que la demande de l’intéressé a été reconnue comme prioritaire et devant être satisfaite d’urgence par la commission et que ne lui a pas été offert un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités définis par la commission. Toutefois, il n’y a pas matière à ordonner le logement ou le relogement de l’intéressé lorsque l’administration apporte la preuve que l’urgence a complètement disparu.

6. En l’espèce M.B est titulaire du contrat de bail de son logement. Si son épouse et son fils mineur en situation de handicap sont mentionnés sur l’avis d’imposition produit au dossier, les autres enfants de M.B, n’apparaissent ni sur le bail, ni sur l’avis d’imposition, et s’avèrent ainsi majeurs et non à charge. Ils ne peuvent, dès lors, être regardés comme vivant au foyer au sens de l’article L.442-12du code de la construction et de l’habitation. Par ailleurs, M.B ne démontre pas davantage assurer effectivement et exclusivement la charge matérielle de son petit-fils. Par suite, il ne peut être regardé comme l’ayant recueilli au sens de l’article 196du code général des impôts. Au final, le nombre de personnes vivant au foyer au sens de l’article L.442-12du code de la construction et de l’habitation est de trois personnes, M.B, son épouse et son fils A. Il résulte également de l’instruction que le logement de M.B est de 60m². La surface minimale pour trois personnes est de 25m² eu égard aux dispositions précitées de l’article R.822-25du code de la construction et de l’habitation. Dans ces conditions, le logement de M.B ne peut être regardé comme suroccupé.

7. L’administration doit par conséquent être regardée comme rapportant la preuve que l’urgence à reloger M.B a disparu. Par suite, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M.B tendant à ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de lui attribuer un logement adapté à ses besoins et capacités en application des dispositions de l’article L.441-2-3-1du code de la construction et de l’habitation.

Sur les frais du litige:

8. Aux termes de l’article L.761-1du code de justice administrative: « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

9. Il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre de l’article L.761-1du code de justice administrative.

O R D O N N E:

Article 1er: Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône d’attribuer à M.B un logement tenant compte de ses besoins et capacité, en application de l’article L.441-2-3-1du code de la construction et de l’habitation.

Article 2: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à M.C B et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22avril2024.

Le magistrat désigné,

signé

J-L. PECCHIOLILa greffière,

signé

S. IBRAM

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P/ La greffière en chef,

Le greffier,

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